Erenreich
Inscrit le: 12 Juin 2012 Messages: 24 Localisation: Crac'h (Morbihan)
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Posté le: 08 Sep 2012 19:04 Sujet du message: Sortez-moi du Paradis ; c'est l'Enfer ! |
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Sortez-moi du Paradis ; c'est l'Enfer !
Salut, moi, c'est Bob ; apprenti dieu. Vous me connaissez peut-être, j'aime pleuvoir sur les lapins. Le lapin et moi, on doit avoir des origines communes ; je suis moi-même le petit dernier d'une fam
ille nombreuse.
Que des mâles ; merci Maman : quel courage !
Déjà, de mon vivant, quand j'arrivais quelque-part, mes frères avaient défriché le terrain. Ã?a a ses bon côtés ; pas besoin de se tailler un chemin dans les ronces en rando dans les bois : on m'a déjà ouvert une voie.
Sans rire !
Quand je suis arrivé à l'école primaire, le premier jour, au premier appel, quand mon nom est sorti, le directeur de l'école s'est exclamé :
« Encore un ? »
C'est que, voyez-vous ; on a du tempérament, dans la famille. En général, les meilleures bêtises, ça vient de nous. Les plus mémorables, quoi !
Au collège, ça m'a fait pareil. Premier jour, premier appel ; à l'appel de mon nom. Le sous-directeur s'est écrié :
« Encore un ? »
Et au Lycée, le Conseiller Principal dâ??Ã?ducation :
« Encore un ? »
D'ailleurs en passant, si on donnait le même titre au même poste dans toutes les écoles, on s'y perdrait peut-être un peu moins ! Vous croyez pas ? Ou alors, y'a des paramètres que j'ai pas vus.
On pourrait, heu...
Enfin...
De toute façon, c'est pas de ça qu'on parle. Même à l'université, j'ai tellement de grands frères que quand mon tour est venu, au moins l'un d'entre eux avait déjà visité chacune d'entre elles.
C'est pas juste !
Et puis un jour, le miracle est arrivé ; je suis mort.
Je suis mort avant eux ; ouaiiiiiiiis !
Pour vous dire comment... pffff ! Vous savez, ça s'est passé d'une façon assez soudaine.
Je me promenais dans un centre commercial. Je passais devant une poubelle. Vous savez ; un machin en métal avec couvercle, entouré d'une mini palissade carrée en bois.
Une espèce de fil électrique dépassait du couvercle. Et moi, bon, heu... voilà ; je suis d'un naturel un peu maniaque. Vous voyez, quoi ! Les pelouses interdites, c'est pas pour les chiens, j'aime pas qu'on s'étende sur les fleurs et une ordure ; ça ne dépasse pas de sa poubelle !
Je me suis donc approché, j'ai ouvert le couvercle de la poubelle et...
Je me suis réveillé dans une chambre inconnue, dans un corps d'enfant, et on m'a dit que j'arrivais au Paradis.
On ; c'était pas exactement un être humain.
Non, heu... on ; c'était... comment dire ?
C'était un humanoïde, oui ; mais avec une tête d'autruche !
J'ai demandé :
« Comment ça, le paradis ? »
Je lui ai demandé ça en sursautant ; j'avais pas encore l'habitude de ma voix d'enfant !
C'est que, en plus, bon... le Paradis, moi, j'y croyais pas !
Je croyais même pas en Dieu !
En claquant du bec, il m'a dit d'une voix grave :
« Ici, nous avons vaincu toutes les souffrances.
- Ah, ouais ! »
Il pouvait me raconter ce qu'il voulait, l'emplumé, y'a que dans les rêves qu'on peut voir parler une autruche ! Et encore ; je serais curieux de lire la psychanalyse résultant d'un tel rêve !
Oui, heu... bon ! J'ai fait psy ; comme ça : c'est dit ! Mais... moi non plus ; j'aime pas les psychiatres.
Qu'est-ce que je disais ?
Ah ouais, donc... non mais... faut suivre, hein !
Voilà ! J'étais au paradis, accueilli par un mec à tête d'autruche. C'est au fil de la conversation que j'ai compris où se situait précisément ce paradis.
Dans le futur !
Mais alors un futur lointain ou n'existent plus ni guerres, ni maladie ni famine, ni deuil... d'ailleurs ; ils sont tous immortel.
Moi aussi, hélas !
Je ne peux plus mourir.
Quand j'ai le bourdon, quand ma vie d'immortel me pèse de trop, je retourne en arrière dans le temps pour pleuvoir sur les lapins.
J'aime bien ; les lapins.
Ils savent faire ça ; les gens du futur.
Ils savent tout faire ; même faire revenir des gens qui sont morts, même depuis des millénaires. En plus ils peuvent choisir à quel âge ils vous réveillent.
Je lui ai demandé, à l'autruche. Il s'appelle Gark. Je suis pour lui comme une sorte de... pffff... padawan !
« Pourquoi m'as-tu réveillé dans un corps de onze ans ? »
Il m'a répondu :
« On est au Paradis, ici ! Chacun a le droit de revivre sa puberté disons... dans de meilleures conditions !
- Ah ! »
Puis il s'est mis à me parler d'une sorte de mise à l'épreuve.
« Comment ça ; mise à l'épreuve, j'ai dit ? »
N'ayant pas d'épaules, il a haussé des ailes :
« Eh bien, pour ressusciter des gens, il faut, d'une part qu'on s'en souvienne ! Et vous, donc, heu... certains de vos pamphlets ont traversé l'Histoire.
- On appelle ça des chansons.
- Si vous voulez. Toujours est-il qu'elles ont remporté un certain succès...
- Quoi ; mes chansons ? J'ai jamais percé ; je vivais dans la misère !
- Oui, mais... disons que, votre mort a un peu boosté votre carrière ; vous savez comment ça se passe, dans le monde de l'Art ?
- Je connais, oui.
- Bon... eh bien, heu ; certaines d'entre vos Å?uvres nous laissent à penser que vous êtes capable d'adopter une personnalité adaptée à un monde en paix.
- Oui, d'accord ! Vous savez ; j'ai fait psy et j'ai pas compris grand-chose de ce que vous venez de me dire !
- Eh bien, on ne peut pas faire revenir n'importe-qui ; c'est fragile, un monde en paix ! Donc voilà, au début, vous serez quand-même un peu mis à l'épreuve.
- Ah ! Je comprends. »
Là, il m'a regardé, il a posé une aile sur mon épaule et il a dit :
« Ne vous inquiétez-pas ; vos frères vous aideront ! »
En riant j'ai répondu :
« Oui, bon, vous savez ; je vais prier pour qu'ils vivent le plus longtemps possible. Pour une fois que je peux me passer d'eux !
- Mais... c'est que... vos frères sont déjà là !
- Comment ça ; mes frères sont là ? Je suis mort avant eux !
- Mais ça n'a rien à voir ! Je vous l'ai dit ; on vous a ressuscité dans le futur ! On ne vous ramène pas forcément dans l'ordre des décès ! Vos frères sont déjà tous là ! Votre famille est douée, vous savez ; ce sont des gens vraiment sympas ! »
J'ai réfléchi un moment, puis j'ai dit :
« Dites-moi : si j'échoue ; vous me faites disparaître ?
- Ah, non ! Bien-sûr que non ! Nous ne sommes pas des chiens ! On vous fera recommencer jusqu'à ce que vous y arriviez. On a le temps, vous avez l'éternité devant vous. »
Là, j'ai hurlé. J'ai hurlé, pendant... pfff, plusieurs mois ; on a des pouvoirs incroyables, au Paradis.
Donc voilà ; ceci est une bouteille à la mer.
Je veux mourir !
Sortez-moi de ce Paradis ; c'est l'Enfer !
Eric Gélard
Je me suis réveillé au Paradis _________________ Comporte toi avec autrui comme tu voudrais qu'on se comporte avec moi-même |
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